Cancer de la prostate : qu’on arrête le PSA !
Cela fait 17 ans que j’entends parler de PSA. Parce qu’il y a 17 ans, un médecin bien intentionné a annoncé à mon papa qu’il avait un cancer de la prostate.
Ce fameux PSA qui fait aujourd’hui partie de l’arsenal des outils de “prévention” chez les hommes, qui, au même titre que la coloscopie qu’on vous conseille systématiquement dès 50 ans et la mammographie dès 40 si vous êtes une femme, vous donne l’impression d’être pris en charge par le système de santé, à l’affût de la moindre manifestation du terrible C, le cancer.
Mais que ne ferait-on pas pour s’en protéger ?
Et tant qu’on n’a pas eu à se poser des questions, tant qu’on n’a pas pris le temps d’y réfléchir, on se laisse faire parce que, au bout du compte, pourquoi faudrait-il s’en méfier ?
Ces outils sont là pour identifier le Big C une fois qu’il est là, pas pour l’empêcher de se développer. Et vous vous dites que si on peut lui mettre la main dessus assez tôt, c’est mieux que rien.
Mais personne ne vous parle jamais d’un éventuel sur diagnostic.
J’y ai consacré des articles et conférences pour le cancer du sein.
Et bien aujourd’hui, je fais la même chose, mais pour le cancer de la prostate. Et j’espère que tout cela aidera d’autres hommes à reconsidérer leurs traitements.
C’est un peu l’occasion qui fait le larron car mon papa a finalement réalisé, qui si ça se trouve, cela fait 17 ans qu’il se croit atteint de cancer pour rien. Hier il m’a dit : j’aurais dû tout arrêter il y a 15 ans déjà.
Mais il avait peur, et c’est normal. Et pourtant… il ne s’est jamais vraiment plié à un traitement.
Il fait sa petite tambouille personnelle avec les médicaments qu’on lui impose pour maintenir ce fichu PSA proche de zéro.
Il a déjà subi un certain nombre d’examens et de procédures qui font manifestement partie d’un protocole pré-établi. Pour moi, il n’est pas malade… il est même considérablement plus fort dès qu’il cesse de prendre son médicament contre la tension. Je le convainc de cesser les examens. Lui parle de sur diagnostic. Cela fait son chemin…. et il tombe sur un numéro de Que Choisir qui en parle. Et là, c’est le déclic. Il décide de leur écrire pour témoigner. Cette lettre, elle ne sera peut être jamais publiée par Que Choisir, mais moi je la publie, ici.
« En 2004, à 69 ans, sur le conseil de ma généraliste je passe un contrôle du PSA. Le résultat de 24.21 est sans appel, j’ai un cancer. Aussitôt rendez-vous chez l’urologue puis IRM, scintigraphie et biopsies. Verdict : adénocarcinome prostatique infiltrant peu différencié. Score de Gleason 4+4. L’urologue me propose un traitement soit par la chirurgie soit par radiothérapie.
Je choisie 37 séances de radiothérapie de février à avril 2005.
En septembre 2006 et malgré la radiothérapie, le PSA remonte et l’urologue me prescrit 3 comprimés de Casodex par jour. Très vite je ne me sens pas bien. Le PSA est à 0.52. Il faudrait diminuer la dose, mais selon l’urologue, il faut continuer. J’obéis. Huit jours plus tard ma généraliste confirme une hépatite médicamenteuse due au Cosadex. J’ai de la fièvre et le dégoût du vin. J’arrête immédiatement le traitement.
En février 2007 je décide de reprendre du Cosadex – prescrit par ma généraliste - mais à la place des trois comprimés, je n’en prends qu’un seul par jour pendant trente jours puis j’arrête pendant 60 jours et j’en reprends pendant 30 jours. J’arrive ainsi à maintenir mon taux de PSA autour de 4.
En février 2009, ma généraliste me propose de rencontrer un nouvel urologue. Ce dernier considère que le PSA à 4 est trop élevé et me propose un traitement chirurgical. Je ne donne pas suite.
En octobre 2010, j’ai un rendez-vous avec un nouvel urologue que j’avais vu lors d’une conférence. De nouveau, c’est un IRM, une scintigraphie puis une piqûre de Zoladex par trimestre. Je ne supporte pas le Zoladex et devant mon refus de continuer le traitement, l’urologue ne m’accorde plus de rendez-vous. En 2012 je reprends mon traitement avec l’alternance du Cosadex. En 2019, le PSA augmentait, même en allongeant la période de prise de médicament.
En janvier 2020, visite à une nouvelle urologue sur le conseil de ma généraliste. Visite décevante. Sans aucune question ni écoute sur mon état de santé, je me retrouve avec 2 prescriptions : scanner et scintigraphie.
J’ai l’impression de me retrouver en 2004 et de devoir tout recommencer, comme si 16 ans de traitements et d’examens n’avaient servi à rien. Je n’ai plus envie de passer ni scanner ni scintigraphie. Je vais avoir 85 ans, je circule à vélo au quotidien, je jardine et je monte mes 4 étages plusieurs fois par jour. Depuis quelques années, l’idée que j’ai été victime d’un sur-diagnostic me trotte dans la tête.
Est-ce que je prends le risque de ne plus prendre de médicament et de ne plus faire de test de PSA ? De laisser aller les choses sans m’inquiéter à chaque résultat ? C’est la question que je me pose et je pense y répondre favorablement. »
A cette lettre, il joint cet extrait du Que Choisir de mars 2020
Cancer de la prostate : un dépistage irrationnel
Alors que pour le cancer du sein, la controverse existe encore,
les choses sont plus évidentes en ce qui concerne le dépistage
du cancer de la prostate par le dosage sanguin du P.S.A. (antigène
spécifique de la prostate). Les recommandations officielles sont
claires : ne pas proposer de dépistage de masse aux hommes.
Mais ce dosage sanguin est encore largement prescrit par les médecins
généralistes et les urologues. La Haute Autorité de santé et l’assurance maladie
ont décrété son absence d’intérêt, voire l’irrationalité de cette pratique,
pourtant entrée dans les mœurs des trois quarts des Français de
plus de 55 ans. Ce test n’est pas assez fiable, et entraîne un taux
élevé de sur diagnostics, de traitements abusifs et de séquelles
inutiles telles que l’incontinence ou l’impuissance sexuelle.
A tel point que le médecin américain qui l’a mis point en 1970,Richard Albin,
le regrette aujourd’hui. Dans une tribune publiée en 2010 dans le New York
Times; il écrit: “Jamais je n’aurais pu imaginer, quatre décennies plus tôt,
que ma découverte allait provoquer un tel désastre de santé publique,
engendré par la recherche du profit. Il faut arrêter l’utilisation inappropriée
de ce dosage. Cela permettrait d’économiser des milliards de dollars
et de sauver des millions d’hommes de traitements inutiles et mutilants. »
Que faire ? Refuser de faire le test de P.S.A. si vous ne souffrez de rien
Vous allez me dire « oui, mais on lui a tout de même trouvé un cancer au départ ! »
Exactement. Mais il ne souffrait de rien ! Il n’est pas venu consulter parce qu’il était malade !
Et c’est ce qui arrive aussi dans le cas du cancer du sein. Il existe des cancers qui ne vont jamais devenir mortels. Ils sont même asymptomatiques… ils sont sensés passer inaperçus; Et en révéler la présence via le PSA les range dans le même sac que leurs « cousins » potentiellement mortels.
Mon père aurait pu céder à la peur et se faire opérer. C’est à dire, accepter qu’on lui retire les testicules. Alors qu’il n’était pas en danger de mort. Je trouve qu’il s’en tire plutôt bien malgré toutes les séances de radiothérapie qui n’ont pas dû lui faire de bien. Mais je pense à tous les autres qui ont choisi l’autre “solution”. Plus radicale. Et qui découvrent, trop tard, qu’ils ont étés sur-diagnostiqués. Personnellement j’aurais beaucoup de mal à avaler cette pilule là.
Ici, aux Etats Unis, c’est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre et je n’ai eu aucun problème vous trouver cet extrait issu du journal du National Cancer Institute : une étude de Welch et Albertsen qui rapporte « une incidence sept fois plus élevée du cancer de la prostate chez les hommes plus jeunes que l'ère pré-PSA. Cette étude suggère que l'utilisation généralisée d'un test sanguin pour le cancer de la prostate a conduit à un sur diagnostic et à un traitement excessif de la maladie.
Les auteurs de l’étude concluent que "Les patients sur diagnostiqués ne peuvent pas bénéficier d'un traitement car leur maladie n'est pas destinée à évoluer pour provoquer des symptômes ou la mort."
Mesdames, vous qui me demandez toujours de jeter un oeil à l’état de votre mari, de lui mettre au point un petit quelque chose parce qu’il vous fait faire du mauvais sang… c’est vous qui savez faire la part des choses. C’est à vous de les protéger. C’est à vous d’apprendre suffisamment et de servir de preuve avec votre propre vie qu’il ne faut pas céder à la peur de la maladie. Aidez le à se dresser face à tout ce qui a été mis en place et dont votre homme n’a pas forcément besoin. Toutes celles qui le font ne le regrettent pas.